Coexistence au sein d’une même collectivité territoriale ou d’un même EPCI d’un comité social territorial et d’un comité social économique

J’avais interrogé Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales au sujet de la coexistence au sein d’une même collectivité territoriale ou d’un même EPCI d’un comité social territorial et d’un comité social économique. cette question s’inspire d’un échange que j’ai eu avec un EPCI du Finistère.

Ma question :

Mme Nadège Havet interroge Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales au sujet de la coexistence au sein d’une même collectivité ou d’un même établissement public de coopération intercommunale (EPCI) d’un comité social territorial (CST) et d’un comité social économique (CSE). Les comité social territorial (CST) doivent être institués dans les collectivités et établissements publics concernés d’ici le 1er janvier 2023. Dans ce contexte, se pose la problématique liée à l’éventuel cumul de ce CST avec le CSE, institution représentative du personnel prévue par le code du travail dans les établissements publics employant du personnel de droit privé. L’article L. 2311-1 du code du travail traite du champ d’application du titre premier du livre troisième de la première partie du code du travail, relatif au CSE. Au regard de ce texte, il convient de considérer qu’un établissement public à caractère administratif, tel qu’un EPCI embauchant au moins 11 salariés de droit privé, est tenu d’organiser l’élection d’un CSE. De nombreux EPCI ont été contraints de procéder à des recrutements de salariés de droit privé, notamment depuis les récents transferts des compétences eau potable et assainissement collectif. La jurisprudence a été amenée, à interpréter les textes afin d’éviter le cumul de l’instance représentative prévue par le code du travail avec celle prévue par d’autres dispositions spécifiques. Dans ce contexte, la Cour de cassation a par exemple considéré que les dispositions du code du travail relatives aux élections des délégués du personnel (institution existant au moment des faits, remplacée depuis par le CSE) excluaient de leur champ d’application les collectivités territoriales (Cour de cassation, Chambre sociale, 7 novembre 1989, 88-60.708). Qu’ainsi, il doit procéder à l’élection de représentants du personnel au sein d’un comité technique (prédécesseur du CST) et qu’il ne pouvait procéder à l’élection d’un membre du CSE. (Cour de cassation, Chambre sociale, 9 septembre 2020, 18-19.554). En l’occurrence, les élections du CSE avaient été annulées à la demande d’un syndicat. Si devaient coexister un CSE et un CST, les membres de ces deux institutions représentatives seraient amenés à exercer leurs attributions sur des sujets identiques. Il convient de relever à ce titre que les salariés de droit privé peuvent être électeurs et éligibles aux élections du CST mais sans qu’il y ait réciprocité sur le sujet : les agents de droit publics ne sont en effet ni électeurs ni éligibles au sein du CSE ce qui peut heurter le principe d’égalité de traitement. Au-delà de cette réflexion, ce cumul d’institutions représentatives serait en premier lieu chronophage et coûteux pour la Direction contrainte de multiplier les réunions, informations et consultations de ces deux instances. Ce temps passé par les représentants ne peut que contrarier la continuité du service public pourtant essentielle. Qui plus est, cette forme de doublon des instances peut nuire à la qualité du dialogue social par sa complexité et lisibilité entachée d’une pluralité d’avis. Ce cumul serait en second lieu perturbant pour les représentants du personnel, leur rôle devenant flou compte tenu d’un partage mal compris au risque qu’ils ne se saisissent pas de leurs attributions. En troisième lieu, ce cumul pourrait générer des situations bloquantes où chaque institution pourrait être amenée, suite à une même consultation, à rendre un avis contraire ou contradictoire. Au regard de cette insécurité juridique et de ces difficultés pratiques, elle lui demande quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour simplifier le dialogue social au sein des structures concernées par le cumul de CST et de CSE.

La réponse de la Ministre déléguée :

Aux termes de l’article L. 2311-2 du code du travail, les entreprises qui emploient au moins onze salariés (sur une période de douze mois consécutifs) doivent instituer un comité social et économique (CSE). Aux termes de l’article L. 2311-1 du même code, les dispositions relatives aux CSE sont applicables aux employeurs privés et à leurs salariés, ainsi qu’aux établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) et aux établissements publics à caractère administratif (EPA) lorsqu’ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé. Une interprétation stricte de ces dispositions écarte leur application aux collectivités territoriales ainsi qu’aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. C’est à ce titre que la Cour de cassation a rejeté un pourvoi tendant à l’annulation d’un jugement d’un tribunal d’instance annulant des élections des membres d’un CSE tenues en 2018 au sein d’un syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement, les juges y ayant retenu que les règles propres aux collectivités territoriales en matière de représentation du personnel devaient s’appliquer au syndicat intercommunal (Cour de cassation, 9 septembre 2020, n° 18-19.554). Ainsi, la cohabitation entre un comité social territorial (CST) et un CSE au sein d’une même collectivité territoriale ou d’un EPCI n’est pas permise par les dispositions des articles L. 2311-1 et L. 2311-2 du code du travail. Il ne peut davantage y avoir coexistence entre un CST et un CSE au sein d’une même entité lorsque les collectivités territoriales assurent la gestion de leurs services par la constitution de régies, dotées ou non de la personnalité juridique et de l’autonomie financière. Si la régie est dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière, l’établissement public constitué à cet effet est distinct de la collectivité qui l’a institué et jouit pleinement du principe d’autonomie. Il dispose de ses propres instances de dialogue social, distinctes de celles de la collectivité qui l’a institué (un CSE s’il s’agit d’un EPIC, employant des agents de droit privé, ou un CST s’il s’agit d’un EPA, employant des agents de droit public). En cette hypothèse, il n’y a donc pas de coexistence possible entre deux instances de dialogue social. Si la régie n’est pas dotée de la personnalité morale, elle est alors entendue comme un service propre de la collectivité. Ce service n’est pas distinct de la collectivité qui l’a institué, et n’a pas à instaurer un CSE, s’il exerce une activité industrielle et commerciale, pour les agents de droit privé qu’il emploie. La collectivité est en effet en ce cas l’unique employeur. Les agents de droit privé affectés à la gestion du SPIC, étant des agents de la collectivité, relèvent alors du CST de la collectivité (qui doit être considéré comme faisant office de CSE pour les agents de droit privé). Là encore, il n’y a donc pas de coexistence possible entre deux instances de dialogue social. Au final, en aucune hypothèse, il ne peut y avoir coexistence entre un CST et un CSE au sein d’une même entité.